Présentation de l'ORRPSA
Pourquoi un observatoire ?
Le monde du travail connaît de profonds changements impactant la santé mentale des travailleurs.
Cette évolution est mise en lumière par de nombreuses études montrant notamment une intensification de la charge de travail, une modification des conditions de travail, une standardisation des procédures et des interactions, le développement de l’évaluation des performances, une augmentation du sentiment d’insécurité. Des séries de suicides en lien avec le travail ont aussi fait prendre conscience du mal-être général et de la souffrance régnant au sein de l’environnement professionnel.
Les liens entre organisation du travail et santé mentale, les différentes formes de harcèlement, la violence au travail, la surcharge de travail, les situations de stress sont autant de facteurs qualifiant les risques psychosociaux. Les effets sur la santé des travailleurs se traduisent par des conséquences comme la dépression, le burn out, des états de fatigue chronique, du stress, des manifestations somatiques (troubles musculo-squelettiques, accidents vasculaires cérébrales, pathologies cardiaques…) voire, pour les conséquences les plus dramatiques, d’actes suicidaires.
Les caractères multifactoriel et complexe des risques psychosociaux en fait une catégorie particulière de risques professionnels. Elle amène des interrogations spécifiques par rapport aux risques professionnels plus classiques et plus faciles à objectiver (comme les risques physiques). Une approche interdisciplinaire et en étroite collaboration avec les acteurs de terrain apparait donc indispensable.
En Aquitaine, des équipes scientifiques et de nombreux acteurs de la prévention des risques professionnels témoignent de compétences en matière de risques psychosociaux. Toutefois, les recherches et les actions entreprises nécessitent d’être mises en lien. Ce constat a fait émerger l’idée de la création d’un observatoire.
Il a ainsi pour double vocation de fédérer et d’organiser à un niveau interdisciplinaire, la recherche sur les risques psychosociaux et de créer des interactions entre les préventeurs et les chercheurs.
Une initiative expérimentale
L’ORRPSA est une initiative expérimentale en France.
Au-delà d’une mission d’observation et d’analyse de données, l’ambition est aussi de produire des travaux accessibles aux équipes scientifiques et aux acteurs, de développer des collaborations et de permettre aux acteurs de la région Aquitaine de disposer d’informations et de compétences auxquelles il est habituellement difficile d’accéder.
L’objectif est de produire et de diffuser des connaissances susceptibles d’aider à la prise de décision ou à l’amélioration de l’environnement de travail et des organisations, de favoriser le transfert entre recherche et terrain.
L’ORRPSA est également une composante du deuxième Plan régional santé-travail (PRST2 Aquitaine). L’Observatoire représente en effet la principale initiative concernant l’axe « Risques psychosociaux » dans le but de contribuer à l’effort engagé en Aquitaine concernant la lutte contre les risques psychosociaux au travail en se concentrant sur une initiative forte.
Le caractère expérimental se retrouve également dans l’accent mis sur l’interdisciplinarité de manière à fédérer la recherche et les savoirs en Aquitaine sur la problématique des risques psychosociaux au travail.
Organisation
La coordination scientifique est assurée par un Comité de pilotage interdisciplinaire.
Ce Comité se réunit régulièrement et fait vivre l’activité scientifique de l’ORRPSA.
Il est dirigé par Loïc Lerouge, Chargé de recherche CNRS, juriste au Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale (COMPTRASEC UMR CNRS 5114).
Il est composé des membres suivants :
- Laurence Bergugnat
Maître de conférences en sciences de l’éducation
LACES
Université de Bordeaux - Patrick Brochard
Professeur des Universités et praticien hospitalier
Chef de service de médecine du travail du CHU de Bordeaux
ISPED, LSTE EA 3672
Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM)
Université de Bordeaux - Dr Isabelle Buisson-Valles
Médecin Inspecteur Régional du Travail et de la Main d’Oeuvre (MIRTMO) - Isabelle Daugareilh
Directrice de recherche CNRS
Directrice du COMPTRASEC UMR CNRS
Université de Bordeaux - Cindy Felio
Docteur en sciences de l’information et de la communication
MICA EA 4426
Université Bordeaux – Montaigne - Nathalie Gréard
Psychologue du Travail
Centre de consultation de pathologie professionnelle du service de médecine du travail du CHU de Bordeaux - Sonia Laberon
Maître de conférences en Psychologie du Travail
Laboratoire de Psychologie, Santé et Qualité de vie EA 4139
Université de Bordeaux - Christine Lagabrielle
Maître de conférences en Psychologie du Travail
Laboratoire de Psychologie, Santé et Qualité de vie EA 4139
Université de Bordeaux - Jacques Pouyaud
Maître de conférences en Psychologie du Travail
Laboratoire de Psychologie, Santé et Qualité de vie EA 4139
Université de Bordeaux - Nicole Rascle
Professeur des Universités en Psychologie de la Santé
Laboratoire de Psychologie, Santé et Qualité de vie EA 4139
Université de Bordeaux
L’étude de la santé psychosociale au travail en Aquitaine est réalisée par Gaëlle Encrenaz, chercheure contractuelle au COMPTRASEC.
Equipes associées
Doté d’un Comité de pilotage scientifique interdisciplinaire, l’ORRPSA associe les équipes et partenaires suivants :
Missions
Les objectifs visent avant tout à améliorer la connaissance sur les risques psychosociaux au travail.
- Le premier objectif est de réaliser chaque année une cartographie de la santé psychosociale au travail en Aquitaine. Cela permettra d’obtenir un état des lieux de la santé psychosociale au travail en Aquitaine, pour l’ensemble des travailleurs par secteur d’activité économique.
- Le deuxième objectif est l’étude de la jurisprudence du travail et de la sécurité sociale. Une connaissance fine des décisions des juridictions du travail et de sécurité sociale permet de mieux comprendre comment les risques psychosociaux interviennent dans le champ judiciaire et jurisprudentiel à travers notamment le profil des parties, les fondements juridiques utilisés et retenus, en faveur de qui se prononce le juge, etc.
- Le troisième objectif est de diffuser et partager de l’information sur les risques psychosociaux au travail en s’appuyant sur l’organisation annuelle d’un colloque interdisciplinaire d’une journée, la publication des actes de ces manifestations et des conférences-débats d’une demi-journée.
Vous avez dit Risques Psychosociaux ?
- D’après le Ministère du Travail
Les risques psychosociaux recouvrent des risques professionnels qui portent atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés : stress, harcèlement, épuisement professionnel, violences au travail… Lien
Les facteurs psychosociaux au travail désignent un vaste ensemble de variables, à l’intersection des dimensions individuelles, collectives et organisationnelles de l’activité professionnelle, d’où leur complexité et leur caractère souvent composite… Lien
- D’après le collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail
« Risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».
Le collège d’expertise recommande de mesurer les risques psychosociaux au travail selon 6 axes
(1) intensité du travail et temps de travail
(2) exigence émotionnelle
(3) autonomie au travail
(4) rapports sociaux au travail
(5) conflit de valeurs
(6) insécurité de la situation de travail
Askenazy, P., Baudelot, C., Brochard, P., Brun, J. P., Cases, C., Davezies, P., Falissard, B., Gallie, D., Gollac, M., Griffiths, A., Grignon, M., Imbernon, E., Leclerc, A, Molinier, P., Niedhammer, I., Parent-Thirion, A., Verger, D., Vézina, M., Volkoff, S. et Weill-Fassina, A. Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser. Rapport du collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail faisant suite à la demande du Ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
Le rapport complet est disponible ici
(1) Intensité du travail et temps de travail
La quantité de travail correspond :
– au temps qu’il occupe, en raison de la durée du travail ou de l’organisation du temps de travail
– à l’intensité du travail et à sa complexité
L’intensité et la complexité du travail peuvent être indirectement mesurées par ce qui les caractérise :
- contraintes de rythme ;
- objectifs irréalistes ou flous
- exigences de polyvalence
- responsabilités
- instructions contradictoires
- interruptions d’activités non préparées
- exigence de compétences supérieures à celles possédées par le travailleur
- usage de nouvelles technologies
- facteurs d’ambiance matérielle.
Et leurs conséquences immédiates
- impréparation au travail
- retards dans la fourniture des services attendus
- défauts de qualité
- sentiment d’être débordé
- sentiment d’insuffisance des moyens disponibles
- impossibilité de moduler son investissement au travail.
La durée et l’organisation du travail peuvent être mesurées par :
- le nombre d’heures et de jours travaillés,
- le type de travail : de nuit, posté etc.
- les horaires enclavant la vie sociale
- L’extension de la disponibilité à des horaires en dehors du temps normal de travail
L’organisation du temps de travail peut gêner la vie familiale et/ou sociale. Le collège recommande donc de s’intéresser également à la conciliation entre vie au travail et vie hors travail.
Le présentéïsme, qui désigne le fait d’être physiquement présent au travail sans avoir la productivité attendue, que ce soit dû au salarié ou à l’organisation, relève à la fois du temps passé au travail et des conséquences de l’intensité du travail.
C’est également dans cet axe, intensité du travail et temps de travail, que sont inclues les notions de « demande psychologique » et « d’efforts » décrites dans les modèles de Karasek (Karasek et Theorell, 1991) et de Siegrist (Siegrist, 1996 ; Siegrist, Starke et al., 2004).
Karasek, R. A., Theorell (1991). Healthy work: stress, productivity, and the reconstruction of working life. New York: Basic Books.
Siegrist, J. (1996). Adverse health effects of high-effort/low-reward conditions, Journal of Occupational Health Psychology, 1, 27-41 ;
Siegrist, J., Starke, D., Chandolat, Godin, I., Marmot, M., Niedhammer, I. et al. (2004). The measurement of effort-reward imbalance at work: European comparisons, Social Science and Medicine, 58, 1483-1499.
(2) Exigences émotionnelles
Elles permettent de mesurer l’impact sur la santé du « travail émotionnel » ou « emotional labor » (Hochschild, 1983).
Celui-ci consiste à façonner et maîtriser ses propres émotions, dans le cadre du travail.
Ce travail émotionnel est présent dans la plupart des professions de services.
Des exemples classiques sont ceux des personnels soignants confrontés à la souffrance ou encore de l’hôtesse de l’air qui doit avoir l’air serein afin de rassurer les passagers.
La répétition de telles exigences émotionnelles peut causer des troubles dans la mesure où masquer ses émotions est coûteux pour la personne.
Hochschild, A. (1983). The Managed Heart. Berkeley and Los Angeles, California: University of California Press
(3) L’autonomie au travail
Elle désigne la possibilité pour le travailleur d’être acteur dans son travail, sa participation à la production de richesses et la conduite de sa carrière et de sa vie.
La « lattitude décisionnelle » décrite dans le modèle de Karasek (Karasek & Theorell, 1991) correspond à cette définition car elle inclut la marge de manœuvre dont dispose le travailleur, ainsi que sa participation dans la prise de décisions qui le concernent. Elle comprend de plus l’utilisation et le développement des compétences.
Karasek, R. A., Theorell (1991). Healthy work: stress, productivity, and the reconstruction of working life. New York: Basic Books.
(4) Rapports sociaux au travail
Ils désignent l’ensemble des rapports sociaux entre les travailleurs, mais aussi entre les travailleurs et l’organisation qui les emploie.
Ces rapports sociaux doivent être examinés en lien avec les concepts :
- d’intégration
- de justice
- de reconnaissance.
L’analyse des rapports sociaux n’en considèrent souvent qu’un seul aspect alors que le collège d’experts recommande de prendre en compte tous les aspects de ces rapports sociaux : les relations avec les collègues, celles avec la hiérarchie et celles avec l’entreprise, comme nous les avons résumé dans le tableau suivant.
Les violences sur le lieu de travail sont à inclure dans les rapports sociaux au travail. Elles peuvent être classées en plusieurs catégories :
- La violence criminelle correspond à l’acte d’une personne extérieure à l’organisation, qui commet un crime et agit violemment envers un employé. La victime ne connaît pas ou peu son agresseur (par exemple, le braquage d’une banque, une agression dans un taxi…).
- La violence occupationnelle recoupe les conduites violentes perpétrées par un client ou un bénéficiaire de l’organisation envers un ou plusieurs membres alors que ceux-ci remplissent leurs fonctions. Elles correspondent à des insultes, des menaces, des agressions physiques ou psychologiques exercées contre une personne sur son lieu de travail par des personnes extérieures à l’entreprise, y compris les clients. Contrairement à la violence criminelle, l’agresseur s’en prend à un représentant de l’organisation.
- La violence domestique correspond à une agression commise par une personne entretenant ou ayant entretenu dans le passé une relation personnelle avec un membre de l’organisation. L’agresseur ne travaille habituellement pas pour la même organisation et son geste est relié à sa relation avec la victime en dehors de l’organisation. Il s’agit le plus fréquemment de violences conjugales.
- la violence au travail renvoie à la conduite d’un membre ou d’un ex-membre d’une organisation, contrevenant aux normes en vigueur dans celle-ci et visant à causer un tort ou à contraindre un autre membre. Elles correspondent à des agressions verbales ou physiques émanant de collègues ou de supérieurs hiérarchiques.
Ces quatre types de violences peuvent chacune se manifester selon quatre modalités comme le définit l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2002) :
(1) la violence psychologique qui peut causer un tort sur les plans cognitif ou émotif de la personne, atteindre la confiance en soi et l’estime personnelle ;
(2) La violence physique qui s’exprime en comportement pouvant causer un tord au corps ou à la propriété de la personne ;
(3) la violence sexuelle qui réfère aux comportements à connotation sexuelle pouvant causer un tort à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne. Elle inclut les gestes associés au harcèlement sexuel, comme les tentatives d’attouchement, mais comprend aussi toutes les discriminations liées au sexe, à l’orientation sexuelle, à la grossesse, etc. ;
(4) la violence financière qui touche aux avoirs financiers de la victime ou à ses dépenses (comme par exemple les retards de remboursement de frais liés au travail).
Les harcèlements moral et sexuel, les discriminations et les abus de pouvoir sont des cas particuliers de violence au travail qu’il est important de détailler ici, du fait notamment de la législation à leur encontre.
- Harcèlement moral
Depuis 2002, le harcèlement est interdit par le code du travail et le code pénal.
« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » (Code du Travail, article L1152-1).
Le harcèlement moral se qualifie par la répétition des agissements et la dégradation des conditions de travail qui s’en suivent. Il est aussi caractérisé quand il s’exerce entre collègues, par un supérieur hiérarchique sur ses subordonnés, mais aussi par des subordonnés sur le supérieur hiérarchique.
- Harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel est défini dans le code du travail (article L. 1153-1) :
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
– Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
– Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »
Il est aussi incriminé par le code pénal au sein de l’article 222-33 :
« I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. – Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
III. – Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. »
Il existe une forte disparité hommes/femmes, les femmes étant plus souvent victimes de ce type de harcèlement que les hommes.
(3) Discriminations
En France, depuis 2008, le harcèlement moral est inclus dans le champ des discriminations. En vertu de l’article L. 1132-1 du code du travail, le « harcèlement discriminatoire » porte sur « tout agissement subi par une personne […] ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (Code du Travail, article L1132-1).
Bien que leur causalité soit complexe, le collège a pris en compte dans les discriminations, les formes de reconnaissance ou de manque de reconnaissance par les clients ou le public.
(4) l’abus de pouvoir
Il correspond à des comportements excédant le pouvoir légitime d’un membre en considération des droits et privilèges accordés par l’organisation. Dès qu’une personne profite de sa position, de ses connaissances particulières ou de tout autre ressource qu’elle possède au détriment d’un moins bien nanti, il y a abus de pouvoir.
Organisation Mondiale de la Santé. (2002). Rapport mondial sur la violence et la santé. Genève.
Le rapport complet est disponible ici
(5) Conflit de valeur
La souffrance éthique est un facteur supplémentaire pouvant expliquer certains états de mal-être.
Elle est ressentie par une personne à qui on demande d’agir en opposition avec ses valeurs professionnelles, sociales ou personnelles (conflit de valeurs). L’opposition peut concerner les objectifs du travail, mais aussi les les résultats atteints en pratique compte-tenu des contraintes de travail.
Elle peut prendre la forme du conflit éthique : le travailleur a le sentiment de devoir accomplir des actes immoraux.
Enfin, le sentiment de faire un travail inutile ou de le faire d’une façon non-conforme à son sentiment du travail bien fait peut aussi être assimilé à un conflit de valeurs.
(6) Insécurité de la situation de travail
L’insécurité de la situation de travail comprend l’insécurité socio-économique et le risque de changement non maîtrisé de la tâche et des conditions de travail.
L’insécurité socio-économique est, pour les salariés, l’insécurité du maintien en emploi, l’insécurité du maintien du niveau de salaire ou l’absence d’une progression de carrière conforme aux normes du milieu professionnel.
Pour les travailleurs non salariés, l’insécurité peut être relative à la pérennité de leur entreprise ou au maintien d’une prospérité suffisante de celle-ci pour leur assurer un niveau de rémunération suffisant.
Les indépendants comme les salariés peuvent être menacés par le caractère non soutenable de leur travail, c’est-à-dire par le fait qu’il provoque une usure telle qu’on ne puisse s’y maintenir sur le long terme.
Enfin, un chef d’entreprise peut considérer comme une menace une incertitude dans la possibilité de transmettre son entreprise lors de sa cessation d’activité, la non transmission dévalorisant les efforts et les investissements économiques, intellectuels et affectifs qu’il y a consentis.
Par ailleurs, des incertitudes susceptibles de créer une insécurité peuvent porter sur différents aspects de la situation de travail : avenir de la tâche, du métier, des relations sociales, des conditions de travail. Les craintes et les souffrances peuvent survenir à cause de changements incessants ou incompréhensibles.
La question du stress
L’Agence Européenne pour la sécurité et la santé au travail (https://osha.europa.eu/fr) propose la définition suivante :
« un état de stress survient lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien-être et la productivité de la personne qui y est soumise ».
Cette définition met en avant trois notions :
- les contraintes au travail
- l’état de tension
- les conséquences sur le salarié ou la productivité
Selon les études et les modèles explicatifs retenus, le stress se définit comme un facteur de risque psychosocial, un médiateur de la relation entre risques psychosociaux et leurs conséquences, ou encore comme une conséquence à part entière.
C’est le cas par exemple du stress chronique qui peut être considéré comme une affection. Cet état correspond à l’épuisement d’un organisme trop longtemps soumis à une hyper-stimulation. Il en résulte l’apparition de différents symptômes :
– Physiques : douleurs (maux de tête, coliques, douleurs musculaires, articulaires…), troubles du sommeil, de l’appétit et de la digestion, sensations d’essoufflement ou d’oppression, sueurs inhabituelles, etc…
– Emotionnels : sensibilité et nervosité accrues, crises de larmes ou de nerfs, angoisse, excitation, tristesse, sensation de mal être, etc…
– Intellectuels : perturbation de la concentration nécessaire à la tâche entraînant des erreurs et des oublis, difficultés à prendre des initiatives ou des décisions, etc…
– Comportementaux : recours à des produits calmants (anxiolytiques, alcool…) ou excitants pour tenir le coup (café, tabac…), une fuite de l’environnement hostile (inhibition, repli sur soi, diminution des activités sociales…).
Face à ce mal-être la réaction dans un premier temps est passive : la situation au travail est subie et les sentiments d’impuissance et de paralysie dominent. Dans un deuxième temps, des tentatives d’adaptation se développent. Ces stratégies varient en fonction de la personnalité et du moment et trois types de mécanismes d’adaptation (coping) sont observés :
– Des réponses d’ordre émotionnel : exprimer sa colère ou au contraire l’inhiber et ruminer ses erreurs
– Des réponses d’évitement : demande de changement de poste ou arrêt du travail
– Recherche de solutions : si cela est possible par une meilleure information, une réorganisation de son travail ou la sollicitation des collègues dans une recherche de stratégie collective.
Les symptômes de stress chronique sont réversibles une fois qu’une solution est trouvée. En revanche, si les stratégies d’adaptation s’avèrent inefficaces, ou inacceptables pour l’entreprise, l’état de stress chronique se pérennise menaçant l’intégrité physique et mentale de la personne.
Parler du stress met aussi en lumière le caractère ambivalent du terme « risques psychosociaux ». En effet le stress se positionne à la fois comme un facteur de risques psychosociaux, mais aussi comme une de ses manifestations.
Santé psychosociale au travail : la situation en Aquitaine
1. Contexte socio-économique
2. Médecine du travail (source DIRECCTE Aquitaine)
Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif (hormis les cas d’urgence). Il consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé » (Code du travail – Article L. 4622-3) et donc aussi à limiter le risque d’accident du travail. Le médecin du travail doit également promouvoir la santé au sens large au sein de l’entreprise, par exemple en pratiquant des vaccinations non liées aux risques professionnels. La région Aquitaine compte 13 services d’entreprises et 17 services inter-entreprises.
En savoir plus
3. Accidents du travail et maladies professionnelles
Maladies professionnelles indemnisées et maladies à caractère professionnel : période 2007-2010. Confrontation des données. Région Aquitaine. Direccte Aquitaine/InVS. 2015
DIRECCTE Aquitaine – Eléments de diagnostic Santé-Travail : Accidents du travail par secteur d’activité – Mars 2014
Les statistiques technologiques des accidents du travail, des accidents du trajet et des maladies professionnelles présentées dans les publications suivantes correspondent aux éléments statistiques recueillis par la CARSAT Aquitaine :
CARSAT Aquitaine. Statistiques régionales des accidents du travail et des maladies professionnelles année 2011. Prév. 71, janvier 2013
CARSAT Aquitaine. Statistiques régionales des accidents du travail et des maladies professionnelles année 2012. Prév. 71, janvier 2014
CARSAT Aquitaine. Statistiques régionales des accidents du travail et des maladies professionnelles année 2013. Prév. 71, février 2015
4. Maladies à caractère professionnel
Une maladie à caractère professionnel (MCP) est définie comme toute maladie susceptible d’être d’origine professionnelle qui n’entre pas dans le cadre des tableaux de maladies professionnelles indemnisables. Dans le cadre de sa mission de surveillance épidémiologique des risques professionnels, le Département santé travail de l’Institut National de Veille Sanitaire a cherché à explorer la faisabilité d’appuyer un système de surveillance sur ce dispositif législatif. Pour cela, un partenariat entre l’InVS et l’Inspection médicale du travail a été mis en place. Ce programme de surveillance s’appuie sur un réseau de médecins du travail volontaires dans les régions concernées. Ces médecins s’engagent à signaler toutes les MCP rencontrées durant des périodes de deux semaines prédéfinies, baptisées « Quinzaine MCP ».
Provost D, Fernet F, Dourlat T, Plaine J, Garras L, Valenty M. Les maladies à caractère professionnel en Aquitaine – Résultats des quinzaines 2012. Direccte Aquitaine/InVS, novembre 2013, 8 p.
Provost D, Fernet F, Dourlat T, Plaine J, Garras L, Valenty M. Programme des maladies à caractère professionnel : résultats des Quinzaines 2011 et évolution 2007-2011, région Aquitaine. Direccte Aquitaine/InVS, octobre 2012, 4 p.
Provost D, Fernet F, Dourlat T, Garras L, Valenty M. Programme des maladies à caractère professionnel : résultats de la Quinzaine 2010 et évolution 2007-2010, région Aquitaine. Direccte Aquitaine, 2011, 8 p.
Provost D, Maysonnave C, Le Naour C, Fernet F, Valenty M. Les maladies à caractère professionnel en Aquitaine : résultats des quinzaines 2008. Direccte Aquitaine, mars 2010, 8 p.
5. Enquête sur les addictions
Conduites addictives : alcoolisme, toxicomanie et risque professionnel en Aquitaine. Rapport d’étude de l’Observatoire Régional de la Santé au Travail en Aquitaine, 2006.
Enquête réalisée en 2009 sur les consommations de substances psychoactives parmi les travailleurs se rendant à la Médecine du Travail en Aquitaine.
Serre F, Denis C, Fatséas M et Auriacombe M. Santé, travail et addictions. Le Courrier des addictions. 2012. 14(2)
6. Enquête sur les inaptitudes (source : AFPA)
Enquête menée en Aquitaine en 2005-2006 sur (1) les profils de salariés inaptes et les pathologies et handicaps à l’origine des inaptitudes ; (2) les procédures suivies et les partenariats mis en place dans le cadre du réseau d’aide au maintien dans l’emploi ; (3) le devenir des salariés devenus inaptes.
En savoir plus
7. Contestation d’avis d’aptitude
Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que des mutations ou des transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique ou mentale des travailleurs. L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail qui prend sa décision après avis du médecin inspecteur régional du travail (MIRT). Cette étude conduite par l’inspection médicale Aquitaine est une analyse des procédures des contestations d’aptitude formulées en 2013, dans la région Aquitaine.
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