Projets réalisés

Universite de bordeaux
cnrs

Economie des plateformes et mutations du travail et des organisations//

Acronyme :

NUTRA


Financement :

Région Nouvelle Aquitaine


Porteur :

Isabelle DAUGAREILH

Durée :

5 ans - janvier 2018 - décembre 2022


Résumé :

D’aucuns n’hésitent pas à considérer l’avènement du numérique comme la 3ème révolution industrielle. On le soupçonne d’avoir des effets aussi radicaux que l’eût l’introduction de l’électricité au XIXè siècle. Il alimente les discours les plus contradictoires, entre le monde « merveilleux » de l’économie collaborative, voire de l’économie du partage et la hantise d’un monde sans travail, ou au mieux de crowdworkers –turcs mécaniques- voire des usines intelligentes. Ses impacts sont multiples et leur portée sur le plan économique, social, humain, etc. est incertaine. Il est supposé engendrer un bouleversement total et radical du fonctionnement de nos sociétés, de nos modes de vie, de notre intimité. En particulier, il vient subrepticement fissurer (fragmenter) les modèles économiques traditionnels des entreprises et du travail subordonné. Il comprend principalement deux développements à l’origine de modifications du rapport salarial, l’économie collaborative ou du partage d’un côté et de l’autre la robotisation et l’intelligence artificielle. Notre projet de recherche ne portera que sur le premier processus.

L’objectif de notre projet sera d’étudier l’évolution simultanée entre formes de travail, organisation des entreprises et régulation des marchés dans les secteurs « disruptés » par l’économie collaborative. Les changements technologiques rendent possibles de nouvelles formes de travail et de nouveaux modèles d’affaires ; mais la viabilité de ces transformations est elle-même conditionnée par le droit et par les institutions régulant le travail et les marchés des secteurs affectés. Il s’agira donc d’étudier les effets de cette nouvelle économie sur l’emploi et les formes de travail ; d’examiner les dynamiques concurrentielles et de construire des typologies des modèles d’affaires des entreprises impliquées dans les secteurs sélectionnés ; d’évaluer les transformations de la réglementation du travail et des marchés et, en amont, d’analyser les modes de mobilisation et d’action des acteurs économiques et sociaux sur ces questions. En France, c’est très récemment que les pouvoirs publics se sont emparés du sujet. En deux ans pas moins de 7 rapports ont été remis par diverses instances. Tous alertent sur la nécessité –voire l’urgence- de mobiliser le monde de la recherche, spécialement les SHS au premier rang desquels le Rapport Mettling rendu en septembre 2015.

Si les formes de travail engendrées par l’économie des plateformes ne sont pas complètement nouvelles, elles créent des craintes, bousculent les systèmes de relations sociales et requièrent des formes de régulation appropriées. De ce fait elles posent des questions aux pouvoirs publics sur les protections à apporter aux travailleurs et sur les modes de régulation des secteurs économiques affectés. L’intérêt du projet est double. Il s’agit d’une part d’offrir des connaissances à partir d’observations de terrain dans le but d’établir un diagnostic fin des situations observées et de leur ampleur à l’échelle d’une Région comme la Nouvelle Aquitaine. Il s’agit d’autre part de mettre en miroir ces observations locales avec des analyses réalisées à l’étranger dans une optique comparatiste. Un autre intérêt du projet réside dans les réflexions qui seront menées à partir des travaux empiriques sur la nature et les niveaux de régulation souhaitables. Compte tenu du fait que l’on peut postuler un ensemble de caractéristiques communes dans tous les pays retenus pour l’étude, le projet est susceptible d’offrir des scénarii de régulation à l’échelle européenne tout en tenant compte des singularités des systèmes de protection sociale nationale. Un des atouts majeurs et originaux de ce projet est de mobiliser des ressources pluridisciplinaires en économie, en sociologie et en droit dans la Nouvelle Aquitaine et d’être ainsi une première forme de structuration de la recherche dans le domaine de l’économie du numérique. Par-delà, ce projet par son caractère pluridisciplinaire et structurant nourrit l’ambition de construire à terme des grilles d’analyse communes des questions de travail et d’organisation productive entre sociologues, économistes et juristes.